samedi 28 janvier 2006

Effacements.

Une lecture stimulante : le dernier livre de Jean-Claude Guillebaud - "La force de conviction" - qui retrace l'effondrement, au cours du XX° siècle, de toutes les croyances-convictions sur lesquelles était construit notre vivre ensemble.
Que la foi chrétienne s'efface dans un pareil contexte n'a rien de très étonnant ; c'est un symptôme de plus de l'évolution de nos sociétés - certains diront : de la maladie incurable dont elles sont frappées, mais ce sont peut-être les prophètes de malheur dont parle Hans Jonas ?
Impossible en tout cas de comprendre ce qui arrive à l'Eglise catholique aujourd'hui sans comprendre aussi ce déclin des convictions. Ni sans s'interroger sur ce que cela signifie de notre avenir : peut-on vivre sans croire ?

jeudi 26 janvier 2006

La mort dans la rue.

Ce week-end, une jeune fille est morte dans la rue, renversée par une voiture qui roulait, paraît-il, à une vitesse folle. L'amie avec qui elle sortait cette nuit-là est dans un état désespéré, et le meurtrier est en fuite ; la voiture, elle, a été retrouvée derrière le bureau de tabac de mon quartier.

Hier soir, soeur Chantal nous a appris qu'elle était élève au lycée des Arcades. Depuis sa mort, il y a une grande photo d'elle dans la cour de ce lycée catholique du centre ville, et ses camarades viennent déposer des fleurs, allumer des bougies. Beaucoup de questions sont posées par les élèves sur le pourquoi de cette mort stupide.

mardi 24 janvier 2006

Refoulé (suite)

Il y a à Dijon une guérisseuse célèbre, mademoiselle D... Elle officie dans le quartier du Parc de la Colombière, et soulage paraît-il bien des douleurs. Sa salle d'attente ne désemplit pas, jour et nuit (car la dame ne dort que très peu). Son activité est à ce point reconnue que le Maire de Dijon lui a décerné il y a quelques années la Légion d'Honneur.
Refoulements.

De temps en temps, je reçois des visites peu ordinaires.
Je n'oublierai pas cette femme, venue me voir parce qu'elle avait été envoûtée. Au départ, rien que de l'anodin : désespérément amoureuse d'un homme, elle avait eu recours au service d'un sorcier pour attirer l'attention de l'être aimé. Classiquement, il avait fallu procurer une photo, sur laquelle on avait procédé aux charmes ordinaires. Ceux-ci ne s'étant pas révélé efficaces, on était passé aux pommades : la cliente dut s'enduire d'une mixture douteuse, puis le mage avait proposé de procéder lui-même à l'opération, et de là on était passé à des relations plus intimes. Le tout bien sûr accompagné de sommes d'argent non négligeable.
Un jour, la dame en eut marre. Elle décida de déchirer la photo du mage et de jeter toute sa correspondance à la poubelle. Ce geste de liberté l'empêcha de dormir toute la nuit. La mage, à qui elle crut bon d'avouer sa faute pour retrouver la paix, lui promit de terribles représailles des démons qu'on avait inutilement sollicités. C'est dans cet état d'esprit qu'elle vint me voir. Précisons que la dame était blanche et quelle habitait en ville.
La sorcellerie est une réalité chez nous ; elle est pratiquée par des gens comme vous et moi, qui y consacrent beaucoup d'argent (son chiffre d'affaires est, paraît-il, supérieur à celui de la médecine générale). Rébouteux, guérisseurs et voyants de tous poils encombrent les colonnes des petites annonces des journaux. On n'en parle jamais ; mais tout le monde a une histoire de ce genre à raconter.

samedi 21 janvier 2006

Regarder où il faut.

Marie-France est mamie conteuse. Elle est aussi la femme de Jacques, l'aumônier de prison dont on vient de parler. Ils se complètent bien : elle intervient souvent à la maison de l'enfance, qui est le lieu où on recueille entre autres les enfants dont les parents sont incarcérés.
Mamie conteuse, ça consiste à conter ; il y a toute une formation, à l'issue de laquelle on devient capable de raconter des histoires que parfois on compose soi-même. Un peu de soleil dans la vie de ces enfants, avec qui Marie-France, qui est en retraite du CNRS, passe le temps qu'il faut pour leur donner de son affection de jeune grand-mère.
Douze enfants cette semaine. Ca fait pas mal, tout de même. Mais, en lisant l'évangile de ce dimanche, je me surprends à penser qu'ils sont là, les signes du Royaume dont parlent Jésus : un homme qui est là quand un captif est libéré, une femme qui aide les enfants de prisonniers à quitter un peu leurs prisons intérieures.

vendredi 20 janvier 2006

Liberté.

Jacques est aumônier de prison. Ce matin, il est arrivé en retard pour déjeûner : on a libéré un détenu la veille au soir.
Il paraît que ce genre de libération vous tombe dessus sans crier gare ; le matin, on vous dit "à cinq heures vous êtes libre", sans se préoccuper de savoir où vous allez dormir, ni de quoi vous allez vivre... C'est ce qui se passait pour cet homme, qui s'est retrouvé sur le trottoir avec juste un bon pour aller une nuit à l'hôtel, et prière de quitter Dijon au plus tôt.

mardi 17 janvier 2006

Pas si beau que ça.

"Vous êtes très beau"... film avec Michel Blanc, j'ai pas adoré. Sauf quand la caissière du cinéma a dit à Samir "Vous êtes très beau" et qu'elle est devenue toute rouge après, mais ce n'était pas dans le film.
Une mention tout de même à Medeana Marinescu qui joue le rôle principal, elle est vraiment géniale !

jeudi 12 janvier 2006

Les mauvaises gens.

Les mauvaises gens qui donnent son titre à cette BD, ce sont les habitants des Mauges, une région rurale et ouvrière de l'Ouest. Les héros sont les parents du narrateur, militants d'Action Catholique, qui ont trouvé dans l'Eglise un chemin de libération. La BD vaut aussi pour les seconds rôles, en particulier les curés qui, au fil du temps, quittent la soutane, le clergyman, deviennent adeptes des chaussettes dans leurs sandales, finissent par quitter le ministère et prendre de la distance avec une Eglise dans laquelle ils ne reconnaissent plus l'idéal de leur jeunesse, mais continuent à partager la vie des hommes de leur temps jusque dans les difficultés familiales et les remises en cause les plus profondes.
C'est beau, c'est riche, c'est émouvant et super-bien vu. J'y retrouve l'histoire de centaines d'amis croisés depuis mon entrée au séminaire (pas avant, ça ne risquait pas), leur déception devant les évolutions de la gauche, de l'Eglise et peut-être aussi de leurs enfants qui ne vivent pas les choses de la même manière (en particulier dans le domaine de la foi).
Une histoire qui pose plein de questions : pourquoi cette belle histoire semble-t-elle finie ?
Les cathos de gauche en tout cas sont toujours là, même si la distance prise avec l'Eglise est de plus en plus grande. L'Eglise est-elle toujours un lieu de libération ? Pour qui ? Pourquoi les enfants de militants ne sont-ils plus croyants à la manière de leurs parents ? Pourquoi les tradis sont-ils aussi présents aujourd'hui alors qu'ils sont si peu nombreux ?
Cela me rappelle ce mot entendu récemment dans la bouche du maire d'une commune rurale à propos de son nouveau curé : "J'espère qu'il n'est pas du haut clergé, celui-là !"

Pour aller plus loin :
http://www.etiennedavodeau.com/
http://www.editions-delcourt.fr/album.php?id=1181
Où va-t-on ?

Merci à Olivier qui m'a filé l'adresse du blog de Golias, je ne suis jamais d'accord avec ce qu'ils disent mais ça vaut toujours le coup de se faire gratter un peu le poil :
http://golias.ouvaton.org/Des-eveques-de-France-se-rallient
On peut lire dans cet article que des prêtres traditionalistes sont "au coeur du dispositif pastoral" à Dijon parce qu'ils sont logés à la maison diocésaine ; c'est tout de même un peu fort quand on connaît la dite maison diocésaine... A mon avis, et ils sont sûrement d'accord avec moi, c'est plutôt le contraire : tout, sauf leur donnner un presbytère...
Bon, les évêques de France se rallieraient-ils à l'intégrisme ? Là encore, on me permettra d'en douter, le souci est plutôt de faire avec ce qu'il y a. On ne peut pas empêcher les tradis d'exister. Mais sont-ils bien conscients de l'inquiétude que cela provoque chez les chrétiens ? et de l'impression déplorable produite chez tous ceux qui attendent de l'Eglise qu'elle se montre plus ouverte ?

mardi 10 janvier 2006

Fêtes.

Il y a deux jours, l'Epiphanie ; aujourd'hui, l'Aïd el Kebir (le "grand Aïd"). Les calendriers sont familiers de ce genre de rencontres fortuites ... C'est l'occasion de nous interroger sur le sens que peut prendre, aujourd'hui, la cohabitation entre nos religions-soeurs.
Comment peut-on , dans ce quartier qui est le nôtre et qui est tant marqué par la diversité religieuse, voir dans le Christ le Seigneur universel ? Comment l'étrange histoire des Mages, ces païens qui ont pris la route pour reconnaitre dans l'enfant de la crèche le sauveur du monde, trouve-t-elle aujourd'hui son prolongement ? Comment l'Eglise peut-elle se faire accueillante à des croyants d'autres religions, à des incroyants ?
La réponse à cette question était simple, autrefois : le salut universel était la conversion de tous au catholicisme. C'était oublier que les Mages étaient rentrés chez eux sans avoir manifesté la moindre intention de demander le baptême...
Je rapproche cette interrogation d'une phrase souvent entendue : "Jamais ma fille n'épousera un Musulman". Et si cette ouverture de l'Eglise commençait, tout simplement, par l'ouverture des familles, dans lesquelles Jean-Paul II voit, après tout, la première cellule ecclésiale ? Par l'ouverture de notre table, si rare dans notre monde de ségrégation et de méfiance ?
La foi de l'infirmier.

Bernard est mort brutalement ; c'était l'un des infirmiers du centre de soins hébergé par la paroisse. A ma surprise, il n'a pas souhaité d'obsèques religieuses. Nous nous sommes donc retrouvés ce matin pour un temps de recueillement à sa mémoire.
Le choix de Bernard m'a surpris, car je le savais de famille chrétienne. Il a suivi le chemin de beaucoup de gens : baptême, catéchisme, et puis voilà. La dureté de la mort n'en est que plus grande, et les mots plus difficiles à trouver.
Bernard n'était sans doute pas un homme religieux. Mais on ne peut pas dire qu'il n'avait pas rencontré le Christ. Cette rencontre, elle avait eu lieu le jour de son baptême, puis à l'occasion de témoignages reçus de sa famille et de ses proches, dans son enfance. Elle ne l'avait pas laissé indifférent : c'est là, entre autres, qu'il avait puisé la générosité dont il faisait preuve au quotidien. Telle était sa foi à lui : l'aventure d'une Parole semée un jour et qui, comme le grain de l'Evangile, grandit là où elle a été déposée.

jeudi 5 janvier 2006

La Boche et le Rital.

En ce matin d'hiver, la petite église de Saint-Apollinaire n'est qu'à moitié pleine. La famille est au premier rang : un vieux monsieur triste et digne, ses enfants et ses petits-enfants, qui font face au décès de la maman.
Lors de l'entretien qui a précédé la célébration, ils ont raconté leur histoire : un couple de déracinés, lui Italien, elle Allemande ; ils s'étaient rencontrés lorsqu'il était allé là-bas pour travailler dans le cadre du STO. A leur retour en France, elle était restée "la Boche", lui qui n'était de toute façon qu'un "Rital". La blessure est restée si profonde, après soixante ans de mariage, qu'ils ont demandé à ce que rien n'en soit dit lors de la célébration à l'église.
De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ?

Entendu ce matin à la messe, alors qu'on venait de lire l'Evangile dans lequel Nathanaël s'interroge, à propos de Jésus, sur ce qu'il peut sortir de bon de Nazareth :
"Et des Grésilles, peut-il sortir quelque chose de bon ?"

lundi 2 janvier 2006

Pèlerinage de confiance.

Cinq jours à Milan pour l'étape 2005 du pélerinage de confiance initié par les frères de Taizé. Histoire de mesurer l'éternelle et contagieuse jeunesse de la communauté et la force du souffle imprimé par le fondateur. Nous sommes accueillis dans une paroisse assez proche du centre.
Le matin, après la prière dans une église glaciale, rencontres avec les autres participants (français, polonais, lituaniens et estoniens) accueillis par la paroisse. Puis nous rejoignons la fiera où ont lieu le repas et les prières communes ; l'après-midi se partage entre rencontres thématiques (d'ordinaire peu fréquentées) et balades en ville, à quoi n'engage guère le froid glacial, puis retour à la foire pour la prière du soir.
Je choisis de participer à un débat sur l'Islam. A ma grande surprise, la salle est archi-comble : peut-être 600 personnes. Autre surprise, le nombre et la qualité des prises de paroles, surtout de la part des Français qui ont quantité de choses à dire. Toutes les interventions tournent autour d'une même question : comment rencontrer des Musulmans ? Comment rompre le cercle de ségrégation qui s'est insidieusement installé dans la société française, renforcé par la difciculté objective à partager ne serait-ce qu'un repas avec des croyants qui n'ont pas les mêmes habitudes alimentaires que les chrétiens ?