Ca me donne quand même envie de préciser une ou deux petites choses sur le ministère sacerdotal. A cause de ce que j'entends, ou de ce que je lis, ici ou là, sur ce blog ou dans d'autres, et qui a tendance à insister lourdement sur le prêtre, homme pas comme les autres, différents des autres baptisés, supérieur à eux pourquoi pas...
Dans "ministère sacerdotal", il y a deux mots : "ministère", et "sacerdoce". Ces deux mots ne sont pas synonymes. "Ministère", allez on va faire le malin, c'est du latin et ça veut dire "service". Ce mot renvoie d'abord au Christ serviteur des hommes. Tout ministre de l'Eglise est donc serviteur de tous (et non pas, je me répète, serviteur des seuls baptisés, et encore moins chargé de faire fonctionner une paroisse par exemple).
"Sacerdoce", c'est autre chose. En latin, toujours, le mot signifie "prêtre". Le prêtre, dans la culture antique, c'est celui qui a la charge du sacré, par opposition au commun des mortels qui se cantonne à la dimension profane de l'existence. Il a en particulier un rôle d'intercesseur, dans sa fonction cultuelle.
Dans le christianisme, il n'y a qu'un seul prêtre : le Christ. Je ne veux pas trop m'étendre là-dessus, car dans un blog il faut être bref. Mais jetez un oeil sur la lettre aux Hébreux, ça vaut mieux que tous les baratins des théologiens et c'est dit en toutes lettres : il est le seul médiateur entre Dieu et les hommes. Le moment par excellence où le Christ apparaît comme le vrai prêtre, c'est quand il donne sa vie. Mais toute la vie de Jésus n'est qu'un immense don de lui-même, de multiples manières mais toujours dans l'amour (car le don de soi est l'autre nom de l'amour).
Par le baptême, tous les baptisés participent au sacerdoce du Christ. Dans le jargon du christianisme, ça s'appelle le sacerdoce commun. Cela veut dire deux choses essentielles :
- la première, c'est que tout le monde participe à ce sacerdoce de la même manière ; il n'y a pas des gens qui sont plus près de Dieu que d'autres, ou bien à qui on va s'adresser pour parler à Dieu parce qu'on ne sait pas faire.
- Deuxièmement : cela signifie des choses très concrètes pour notre vie ; si les baptisés sont alter Christus, configurés au Christ par le baptême, leur vie, à l'image de celle du Christ, doit être une vie donnée.
Parmi ces baptisés, certains sont ordonnés au ministère sacerdotal (ou au sacerdoce ministériel, ces deux expressions sont à peu-près équivalentes). Le concile Vatican II, dans un texte fondamental, nous dit qu'entre les deux sacerdoces, il y a une différence "de nature et non seulement de degré" ; cela veut dire qu'il n'y a pas un sacerdoce supérieur à un autre, ou que le sacerdoce ministériel n'est pas un degré supérieur du sacerdoce commun ; mais qu'il s'agit de deux manières différentes de participer à l'unique sacerdoce du Christ. Cette ordination, qui est un sacrement, les situe de manière particulière au sein du peuple de Dieu : ils manifestent que l'Eglise ne se constitue pas d'elle-même, mais qu'elle est constituée par le Christ. C'est pourquoi ce sont eux qui ont la charge de convoquer la communauté, en particulier lors de l'eucharistie qui est le moment essentiel de la vie de l'Eglise - et dont ils président toujours la célébration. Ils sont "in persona Christi", ce qui veut dire qu'ils remplissent cette fonction pour permettre aux baptisés d'être rassemblés par le Christ. Comme le dit JBB, ils s'effacent complètement alors devant le Christ.
Il n'y a donc pas de raison de dire du prêtre qu'il est seul configuré au Christ, qu'il est comme un intercesseur entre Dieu et les hommes, qu'il a un "pouvoir" surnaturel de transformer le pain et le vin en corps et sang du Christ. Il est normal qu'on attende d'un prêtre que son comportement soit exemplaire ; mais cette exemplarité ne fait pas partie, pourrait-on dire, de l'essence du ministère. Dans l'Eglise d'Occident, on demande aux prêtres de signifier qu'ils donnent leur vie en restant célibataire ; mais ce n'est qu'une des dimensions du don de soi, qui peut être envisagé de bien d'autres manières.