vendredi 28 janvier 2011

Familles.

Six familles, bien différentes les unes des autres, se retrouvent dans la même paroisse et se sont donnés rendez-vous cette semaine dans l'hebdomadaire La Vie. Un dossier intelligent et sensible, des portraits qui font envie, voilà de quoi montrer que tout le monde a sa place dans l'Église, même celles et ceux qui ne correspondent pas au portrait-robot du catho bon chic bon genre. Comme le dit Mgr Vingt-Trois, cité par Dominique Fonlupt, l'auteure de l'article :

« Une Église qui n’accueillerait que des chrétiens parfaits n’a plus qu’à mettre la clef sous la porte. Jésus est venu ouvrir un chemin de changement, de progrès et d’amélioration. L’Église ne condamne personne, mais indique un chemin. Une des règles de l’accompagnement pastoral est de prendre les gens tels qu’ils sont à la condition qu’ils aient l’intention de ne pas en rester là. »

mercredi 26 janvier 2011

Le meilleur cuisinier de France travaille chez les pauvres.

Pendant que les sénateurs se penchaient avec gravité sur la question de l'euthanasie, d'autres agissaient, comme chaque jour, pour permettre à des vieillards de vivre dans la dignité.

On se demande comment elles font, les Petites Sœurs des Pauvres, pour accompagner avec autant de dévouement, de gentillesse, de compétence et tout ce que vous voudrez, ces anciens dont certains de nos sénateurs auraient sans doute préférer se débarrasser allègrement. Pensez : l'année de la canicule, il n'y avait pas eu un seul décès chez elle, pendant ces terribles semaines où les morts s'étaient comptés par milliers dans d'autres établissements de soins !

On connaît maintenant un de leurs secrets : chez elles, les vieux sont bien nourris. Ghislain, leur cuistot, vient d'être élu par ses pairs meilleur cuisinier de France, et pas n'importe où : à Lyon, capitale française de la gastronomie, lors d'un concours annuel portant le nom suggestif de Gargantua.

"Les sœurs sont contentes", a-t-il sobrement déclaré au moment de recevoir sa distinction. Le Saint-Esprit aussi : non content d'avoir efficacement éclairé hier le vote de nos édiles, il a fait en sorte aujourd'hui qu'on reconnaisse les efforts de tous ceux qui œuvrent au confort de nos aînés.

mercredi 19 janvier 2011

Plus digne la vie



Juste un billet vite fait, pour ceux qui ne sont pas au courant :
avant le vote de la proposition de loi par le Sénat le 25 janvier (aucune chance de passer, c'est juste un pion que les partisans de l'euthanasie avancent),
il est toujours temps de signer la pétition du collectif Plus digne la vie, commentée par Koz dans son dernier billet.

vendredi 14 janvier 2011

Eduquer au respect de la vie.

Au détour du traditionnel discours au corps diplomatique qu'il prononce chaque année, le pape a eu une de ces petites phrases qui en disent long : "Dans certains pays européens", dit-il, "est imposée la participation à des cours d'éducation sexuelle ou civique véhiculant des conceptions de la personne et de la vie prétendument neutres, mais qui en réalité reflètent une anthropologie contraire à la foi et à la juste raison".

Justement : il y a quelques semaines, un professeur d'histoire a été mis à pied, dans la bonne ville de Manosque, pour avoir parlé de l'avortement dans des termes qui semblent avoir choqué. J'ignore évidemment quel est le contenu précis de ce qui a été dit alors, et le film No need to argue, que notre professeur semble avoir projeté à ses élèves, devrait être, à mon sens, interdit à tout public (un film montrant la mort d'un embryon dans le sein maternel, c'est aussi insoutenable et indéfendable qu'un documentaire sur l'agonie de n'importe qui). Mais ce n'est pas la violence de la méthode qui a motivé la sanction, ni les liens manifestes de l'enseignant avec les milieux traditionalistes : c'est que le discours, et surtout l'anthropologie qui fondait ce discours (pour reprendre l'expression de Benoît XVI), n'étaient pas conformes à ce qu'attendait le chef d'établissement.

De quoi s'agit-il, finalement ?

La question de l'IVG, logiquement, doit être abordée dans le cadre des cours d'éducation à la sexualité, dans les collèges et les lycées. Il existe un Conseil national de l'information sexuelle, qui aide à donner un cadre à cet enseignement (d'au moins trois heures dans l'année). Chaque académie se dote d'un dispositif et d'une charte destinés à l'encadrer, et prévoit une offre d'accompagnement personnel destinée aux élèves qui en feraient la demande. L'enseignement se doit évidemment d'être neutre. Et c'est là, bien sûr, que les questions se posent : car il n'est pas de neutralité possible sur ces questions, ou plutôt la nécessaire neutralité ne peut que s'exercer que dans le cadre d'une certaine conception de l'humain (une "anthropologie").

Un exemple du problème qui est ici soulevé est précisément la manière dont la loi française conçoit l'IVG. La fameuse loi Veil, dont seule une partie a été d'ailleurs accompagnée de ses décrets d'application, commence par une affirmation de taille : celle du respect de la vie, qui apparaît donc comme le principe fondamental. Elle se poursuit en déclarant que l'avortement ne serait désormais plus sanctionné pénalement, à condition qu'il se déroule dans un cadre bien défini et qu'il ait lieu lorsque la mère se trouve dans une situation de détresse. La conséquence est de taille : il n'est pas question d'instaurer un droit à l'avortement, qui reste un crime, mais de ne plus poursuivre ceux qui en sont les auteurs. On est donc loin du discours des organisations "pro-choix", qui se fondent, non sur le principe du respect de la vie, mais sur la liberté de choix, voire le droit des femmes à disposer de leur corps. Pour discutable qu'elle soit, la loi Veil continue à se situer dans le cadre du respect de la vie, au moins au niveau de ses principes.

Lorsque la question de l'avortement est abordée dans les collèges et lycées, elle ne l'est pas de cette manière-là ; aucune question n'est soulevée concernant le statut de l'embryon (être humain ou pas ? Sur ce sujet, voir ce que dit un étudiant en médecine sur son blog personnel) ; les difficultés auxquelles sont confrontés les personnels des services pratiquant l'IVG, l'objection de conscience souvent invoquée et rarement appliquée, les conséquences psychologiques pour les parents de l'enfant, autant de questions soigneusement esquivées au profit d'un enseignement qui se limite à une présentation incomplète de la loi, et à faire de l'avortement l'ultime recours en cas de grossesse non désirée.

Tout cela, hélas, ne peut pas être abordé sereinement. Il n'est que de lire le billet de ce blog paru sur Médiapart, et surtout les réactions des lecteurs, pour comprendre qu'on se situe là sur le terrain de l'invective et de la caricature. Pour être honnête, l'attitude de certains adversaires résolus de l'avortement, et les liens qu'ils entretiennent sans discernement avec des mouvements extrémistes, n'aident pas à la sérénité du débat : il faut le redire, le film No need to argue, qui montre sans respect aucun pour l'embryon ainsi traité les différentes étapes d'un avortement, est un film extrêmement choquant, et ne devrait jamais être utilisé, pas plus qu'aucun documentaire montrant en direct les images de la mort d'un être humain. Cela n'enlève rien quant à l'exigence d'un discours humainement - et juridiquement - exact sur l'avortement.

mercredi 12 janvier 2011

"Nous avons failli mourir"


Henri Teissier, archevêque d'Alger, hier soir à Dijon : "Une Église peut mourir, une Église peut renaître : nous avons failli mourir." Ces quelques mots résument l'expérience des chrétiens d'Algérie, et le témoignage qu'ont donné dix-neuf d'entre eux, plus encore si l'on inclut celles et ceux qui ont choisi, au péril de leur vie, la fidélité, à la fois à Dieu et à ceux qu'ils considèrent comme leurs frères d'Algérie. L'Eglise, en Algérie, s'est maintenue par ces chrétiens qui sont restés, envers et contre tout ; par les rencontres quotidiennes, l'ouverture contre vents et marées des bibliothèques tenues par les diocèses et fréquentées par des musulmans, le soutien amical de nombreux Algériens - El Watan, quotidien algérois, a publié en 2008 une pétition de soutien aux chrétiens traduits en justice.

On compte aujourd'hui peut-être 15 ou 20 000 chrétiens algériens, dans la mouvance évangélique ; les premières conversions ont eu lieu dans les années soixante-dix, à la suite d'une série d'émissions religieuses diffusées sur Radio Monte-Carlo... Elles sont aujourd'hui le seul exemple de conversions aussi nombreuses dans un pays "musulman". A côté de ces Églises, qui vivent dans la clandestinité car elles ne disposent pas de lieux de cultes (ce qui explique les incessantes tracasseries dont elles sont l'objet, la loi algérienne imposant de célébrer le culte uniquement dans des locaux agréés), l'Église catholique bénéficie d'un certaine reconnaissance de la part des autorités. Pierre Claverie, l'évêque assassiné, avait coutume de la désigner sous le nom d' "Église de la rencontre" : dans la continuité avec les intuitions de Charles de Foucauld, commencer par accueillir, échanger, rencontrer en vérité.

A Notre-Dame d'Afrique fraîchement restaurée, ce sont chaque jour des centaines de personnes qui passent, pour visiter, se poser un moment, prier aussi. Des conversations s'engagent avec les prêtres présents. L'un de ces dialogues, dernièrement, aura profondément marqué le Père Teissier : un homme était là, venu pour demander de l'aider à accueillir son fils, ancien terroriste qui allait sortir de prison. Comment allait-il pouvoir ouvrir sa porte à celui qui demeurait, malgré tout, son enfant ? C'était là, dans la cathédrale de l'Afrique, qu'il avait choisi de parler à Dieu.

mardi 11 janvier 2011

Le témoin.




Mardi 11 janvier, 9h, église Saint-Pierre de Dijon : Mgr Henri Teissier, qui fut archevêque d'Alger pendant les années les plus noires de la terreur, célèbre l'eucharistie avec la petite troupe de fidèles habitués du matin.

"C'est une assemblée dominicale de chez nous", me dit-il avant d'entrer dans l'église.

vendredi 7 janvier 2011

Crémation.

La publication d'un article sur la crémation dans La Croix d'hier m'a donné envie de réagir...

Dijon, 250 000 habitants. Au crématorium, depuis une vingtaine d’années, une équipe de laïcs assure avec dévouement des célébrations de funérailles, dans l’un des salons du vaste complexe agrandi il y a peu. On en compte, bon an mal an, 300. C’est l’activité annuelle de six paroisses urbaines. Ce n’est pas rien.

A l’origine de ces célébrations, une décision de l’évêque, qui en ouvrait la possibilité dans des circonstances exceptionnelles : une personne seule, un défunt mort loin de chez lui… Les règles strictes posées au départ n’ont pas tardé à être contournées, pour toutes les raisons que l’on imagine (pression des pompes funèbres, certes ; mais plus encore, décisions prises hâtivement par les familles, mauvaise information sur la possibilité de célébrer en paroisse, et surtout perte de repères : quel importance a donc le lieu d’une célébration ?). L’équipe s’est sentie interpellée : il fallait accompagner les familles, de peur qu’elles ne se refusent à tout rite religieux.

Nous sommes nombreux, aujourd’hui, à nous interroger sur les choix qui ont été faits alors. Le nombre de crémations allant en augmentant, la demande de célébrations sur place fera de même. Nous savons donc que, contrairement à ce qu’on laisse entendre, accepter sans discernement les funérailles religieuses au crématorium se traduira par une baisse du nombre de célébrations en paroisse.

La porte est, du coup, ouverte aux maisons funéraires, qui se multiplient partout : pourquoi ne pas les utiliser également, pour répondre aux souhaits des familles ? Le diocèse de Dijon a pris le parti de s’y opposer. Jusqu’à maintenant, aucun faux prêtre ne s’est encore manifesté. La compagnie de pompes funèbres qui entrerait dans ce jeu sait qu’elle s’exposerait à une polémique très dommageable pour elle, dans un contexte où la concurrence - relative - existe.

L’enjeu immédiat concerne, bien sûr, le lieu de la célébration. Pour dire les choses de manière lapidaire : un crématorium est un lieu de mort, une église est le lieu où l’on célèbre la Résurrection. Or, l’employé des pompes funèbres qui accueille les familles n’est pas là pour leur dire les préférences de l’Eglise, mais pour accéder à leurs désirs. Il peut aussi arriver qu’il encourage une célébration au crématorium, dont sa société est propriétaire ou concessionnaire. Les plaintes de familles, qui s’estiment mal renseignées par des employés trop pressés, ne sont pas rares. Les frustrations aussi : car il y a souvent désaccord au sein des proches, et c’est le moins-disant, celui qui propose la solution la plus simple et la moins coûteuse, qui l’emporte. S’opposer aux célébrations dans les crématoriums, c’est alors soutenir les membres de la famille qui sont proches de l’Eglise.

On prend, certes, le risque de voir se développer les cérémonies animées par les pompes funèbres. Mais n’est-ce pas aussi mettre les personnes devant les conséquences de leurs choix, et d’une incroyance qu’elles n’hésitent pas à revendiquer ? La famille est la plupart du temps soucieuse de respecter la volonté du défunt : s’il avait demandé des obsèques religieuses, on accèdera à cette demande, même si l’Eglise en impose le lieu et le cérémonial.

Plus fondamentales encore sont les questions posées par la crémation elle-même. Je ne parle pas ici du choc émotionnel provoqué par la réduction brutale du corps et ses éventuelles conséquences psychologiques, mais des enjeux religieux. Les raisons qui motivent le choix de la crémation sont purement matérielles (coût, hygiène, peur de gêner les descendants, voire d’être enterré vivant …). On peut parler d’une véritable absence de sens.

A cela s’oppose la symbolique forte de l’inhumation, qui évoque la parabole évangélique du grain tombé en terre, les paroles de Paul sur la résurrection, le respect dû au corps dans la tradition chrétienne. Si le cadavre est couché (et non, par exemple, assis, ou en position fœtale), c’est parce que cette position évoque le sommeil. S’il repose dans un cimetière, c’est parce que ce mot, en grec, signifie « dortoir ». Le rite donne la signification chrétienne de la mort : un sommeil, d’où le coprs se réveillera pour la résurrection.

Pour toutes les raisons qui viennent d’être dites, l’Eglise ne fait que tolérer la crémation, et exprime une préférence forte pour l’inhumation. Il n’est donc pas juste de laisser entendre, purement et simplement, que les pratiques d’incinération des corps soient aujourd’hui acceptées sans réticence.

Accueillir sans discernement toutes les demandes de crémation, a fortiori les célébrations religieuses dans les crématoriums, n’aide donc guère les personnes à se rapprocher de l’Eglise ou à reconstruire une identité chrétienne passablement malmenée par la modernité ; c’est au contraire les conforter dans la difficulté dans laquelle elles se trouvent vis-à-vis de l’Eglise, de la foi, et plus fondamentalement vis-à-vis de la mort.